Je ne sais pas exactement à quel moment l’automne est arrivé.
Peut-être quand les volets ont commencé à grincer un peu plus le matin.
Peut-être quand le jardin a changé de ton, passant du vert franc à cette palette de jaunes, de roux et de figues mûres.
Ou peut-être tout simplement ce jour-là, quand on est restés à l’intérieur sans culpabilité.
Il pleuvait doucement depuis l’aube. Une pluie fine, presque silencieuse, comme un voile tendu sur la campagne.
Les enfants étaient encore en pyjama, pieds nus sur le parquet, à moitié installés dans la cuisine. L’odeur de la pâte brisée s’échappait du four, tiède et beurrée. Tartes aux pommes, comme chaque fois qu’on a un peu le temps.
Chaussons aux pieds, musique en sourdine, quelques bougies allumées un peu trop tôt dans la journée — c’était ça, notre programme.
La Maison Irène est faite pour ce genre de jours.
Ceux où on ne prévoit rien d’autre que de rester ensemble.
Dans le salon, un livre entrouvert sur le bow-window, une partie de dominos en pause sur la table basse, une pluie de feuilles qui dansait derrière les vitres.
Dehors, les pommiers perdaient lentement leurs dernières couronnes.
Dedans, on avait chaud, on était là, et c’était suffisant.
L’après-midi, on a mis des bottes, “juste pour prendre l’air”.
On a marché dans le village, croisé deux chats, respiré fort. La mer n’était pas loin — on la sentait dans l’air, même sans la voir.
Et en rentrant, on a relancé le poêle, remis la tarte à tiédir, ressorti les jeux laissés en plan.
Rien de spectaculaire. Juste un jour d’automne parfait.
Ce jour-là, l’automne n’était pas une saison : c’était une maison.